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#21 22-02-2018 09:32:01

Ichiro
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

M. Ferry, philosophe et ancien ministre de l’Éducation, a affirmé par provocation que les maths ne lui avaient jamais servi dans la vie courante. Alors qu’on lui rétorquait que calculer était utile pour faire ses courses, il a prétendu qu’il suffisait alors d’utiliser une calculette. M. Villani, médaille Fields (qui sert de prix Nobel aux mathématiques), député LREM et auteur d’un rapport sur l’enseignement des mathématiques, lui a répondu que les raisonnements étaient la partie la plus importante de la démarche mathématique et que les plus beaux pouvaient provoquer « un orgasme » !

Mais M. Ferry a raison : seuls quelques théorèmes (Thalès, Pythagore) sont (rarement !) utiles dans la vie courante. Cependant, plutôt que de sortir sa calculette, il vaut mieux, à mon avis, être capable d’effectuer des calculs de tête afin d’avoir une idée juste des prix lorsqu’on fait son marché. Et d’autres matières ne servent pas non plus (sciences naturelles, philo, histoire, littérature…), alors que l’orthographe et les langues vivantes sont indispensables.



Seuls des matheux de haut niveau sont capables d’apprécier la « beauté » d’une démonstration, de la même façon qu’un mélomane apprécie un concerto. Néanmoins, ce plaisir est spécial et se rapproche de l’onanisme intellectuel. En revanche, les maths sont des instruments efficaces et des auxiliaires indispensables dans d’autres domaines. Contrairement à ce que certains voulaient faire croire, la physique ne peut se passer d’équations. On cherche, depuis longtemps, à relier la relativité et la mécanique quantique et toutes les solutions proposées sont des théories mathématiques compliquées. De même, on se sert des propriétés des groupes – une partie ésotérique des maths – pour classifier les particules élémentaires et éliminer celles qui ne peuvent exister ; ces recherches permettront, peut-être, de trouver de nouvelles sources d’énergie. Les maths servent également en économie et sont essentielles dans les assurances et dans la finance. Les groupes sont aussi utilisés en ethnologie, en chimie. Leurs propriétés permettent, par exemple, de classer les cristaux et d’éliminer certaines combinaisons impossibles. Enfin, le raisonnement mathématique est formateur en lui-même pour des esprits scientifiques, et aucune autre matière n’égale sa rigueur intellectuelle .

Mais les maths (pas le calcul !) ne doivent être réservées qu’à une partie des étudiants, non par élitisme, mais parce qu’il faut avoir un « don » pour l’abstraction et tout le monde ne l’a pas. Bien sûr, le travail permet de progresser comme dans un sport de haut niveau. Tout le monde ne peut pas porter les couleurs de la France aux Jeux olympiques, mais personne ne devient un champion sans un entraînement de fer. Il n’y a aucune honte à ne pas être doué en maths. Les littéraires sont utiles et font souvent d’excellents cadres. On a tous un domaine de prédilection et il faut cultiver soigneusement ce dernier.

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#22 22-02-2018 10:28:01

Olieric de Marzan
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Ichiro a écrit :

. Il n’y a aucune honte à ne pas être doué en maths. Les littéraires sont utiles et font souvent d’excellents cadres. On a tous un domaine de prédilection et il faut cultiver soigneusement ce dernier.

Ouf! cher ami, vous êtes trop bon! C'est juste une question de monnaie! Un ingénieur sera embauché avec un statut de cadre et la monnaie qui va avec. Ça ne voudra pas dire qu'il a la capacité d'encadrer une équipe.
C'est parceque, bien loin de vivre en démocratie, nous vivons en "méritocratie", finalement comme un bon système de communisme bourgeois.
Quand j'étais en Pologne, je devais une semaine de congés payés en plus à ceux de mes équipes qui étaient diplômés. Ce n'est ni le temps passé, ni l'engagement personnel, ni les résultats, mais simplement le mérite acquis par les études dites supérieures.

Que vivons nous maintenant. Chaque caste essaie de pousser ses pions vers le pouvoir et pour ce faire a besoin de disposer du vivier qui permet de se reproduire.
Le monde enseignant se croit seul habilité à former l'esprit des jeunes pour les mener vers le graal démocratique. Le monde universitaire regarde cela de haut en étant persuadé d'être seul capable de transmettre à la multitude la science qui fera l'élite. Les "grandes" écoles n'ont pas d'état d'âme puisque, de toute manière ils sont l'élite et se reproduisent entre eux et que ça va de soi.
Notre système proto communiste s'est construit autour de quelques grandes entreprises nationales en passerelle directe et à double sens avec les ministères. Ce qui supprime toute suspicion de conflit d’intérêt puisque ce sont les mêmes personnes qui endossent un habit réversible et sortent tous de quatre grandes écoles.

A l'intérieur de chaque caste, les couteaux sont toujours aiguisés. L'école après avoir mis en avant tous les modes possibles d’apprentissage n'a toujours pas réussi à faire ce qu'on faisait avec simplicité il y a cinquante ans; apprendre à lire et à écrire à nos lardons. On se bat pour la méthode, on se bat pour le contenu: épanouissement de l'individu ou création d'une foule de petits génies prêts à devenir tous ingénieurs pour battre les asiatiques. L'université n'a toujours pas établi si il fallait accueillir en son sein la totalité des générations montantes dans un grand mouvement de générosité égalitaire ou bien former ceux qui en ont les moyens et l'envie à devenir des scientifiques pointus qui trouveront place dans le système. Les grandes écoles consolident leurs bastions. Telle entreprise, tel ministère appartient à telle école.
Et l'enseignement professionnel, tout le monde s'en torche. L'école s'en voudrait de ne pas propulser les enfants vers les filières scientifiques, les seules qui payent. Les IUT veulent à tout prix rejoindre le clan des grandes écoles. Les entreprises qui en ont les moyens n'ont plus que le recours de former en interne les jeunes que le système n'a pas été capable de former.

Ça craque de partout et l'expérience bonapartiste que nous vivons a déjà rebattu les cartes. L'intérêt supérieur c'est celui de l'Entreprise avec un grand E. Si le besoin se fait sentir de former des mathématiciens pour remettre la main sur le coeur du buisness, alors on sera prié de faire des maths à l'école. Mais ne nous y trompons pas. Ceux qui ne suivront pas seront laissés à la clémence de l'ennemi sur le bord du chemin.
Celà veut dire concrètement que si tu ne veux pas devenir un spécialiste de l'algorythme prédictif, utile à l'économie numérique et virtuelle, tu n'aura plus que le choix d'être manutentionnaire chez Amazon ou Leclerc Drive.


Si, à soixante ans passés, t'as pas ta MZ, alors t'as raté ta vie.

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#23 22-02-2018 10:32:01

Havoc
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Ce sont tous ces constats, et encore d'autres, qui font qu'il est très difficile d'établir un programme pour l'enseignement des mathématiques, et même de choisir comment on les enseigne. L'équation n'est pas simple car au départ, les enseignants font face à tous les élèves à la fois et ce n'est que tardivement, après la seconde, que l'on commence à enseigner devant des élèves qui ont fait l'objet d'un premier tri permettant de décider de ce que l'on va enseigner et comment. Mais c'est bien tard !

Avant cet âge, les enseignants et le ministère doivent à la fois transmettre les éléments de base qui permettront au citoyen adulte de vivre sa vie sans être trop handicapé par ses lacunes, de l'autre préparer de futurs étudiants qui devront accéder rapidement à une vision globale des mathématiques en tant que science et conserver l'envie et le désir. Contrairement à ce que croit Mickael, il ne suffit pas pour cela d'apprendre des savoir-faire, cela ne suffirait pas aux seconds et ne permettrait même pas de les reconnaitre. On peut savoir appliquer des recettes tout en n'ayant aucune représentation adéquate de ce que sont les mathématiques, en témoignent les serveurs de café parisiens qui sont capables d'établir des notes complexes très rapidement sans se tromper mentalement mais ne pourraient écrire les additions correspondantes et les résoudre sur une feuille sans se tromper.

Personnellement, j'ai échoué en mathématiques bien plus tard que Micky. Pourtant, je comprenais tout ce que le professeur faisait, toutes les démonstrations, j'étais capable de les reproduire sans me tromper. Ce qui me manquait, c'était une vision surplombante, globale. Lorsque j'alignais des suites de formules, je finissais la plupart du temps par oublier ce que je souhaitais obtenir et après des lignes et des lignes de calculs, j'aboutissais parfois à un 1=1 qui ne m'était bien sûr d'aucune utilité. Mon problème venait aussi de ce que j'étais dans une école préparatoire à une école d'ingénieur située dans le même établissement, et que les élèves susceptibles d'intégrer l'école d'ingénieur intéressaient beaucoup plus les professeurs et l'administration que les autres. De leur point de vue, la sélection s'opérait, c'était très bien ainsi. On n'avait pas besoin de beaucoup d'ingénieurs.

S'il y avait quelque chose à faire pour les mathématiques dans notre pays, ce serait d'abord d'en faire plus, dès le plus jeune âge, mais ce serait aussi d'apprendre aux professeurs à transmettre cette science comme une culture, sans quoi, comme le note un peu maladroitement Luc Ferryre, on ne formera que de petits exécutants parfaitement inutiles puisque ce qu'ils sauront faire, n'importe quelle machine de poche peut le faire à leur place.


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#24 22-02-2018 11:53:00

Ichiro
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

https://sciences-critiques.fr/allons-no … entifique/
A lire de bout en bout...
je découvre que Grothendiek était un copain de Pierre Fournier

Dernière modification par Ichiro (22-02-2018 11:53:35)

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#25 22-02-2018 12:12:39

Havoc
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Ce passage me semble crucial, par rapport au sujet de notre discussion:

Grothendieck a écrit :

Ceci concernant le plaisir que nous prenons à faire de la recherche scientifique. Je crois qu’il peut y avoir plaisir, mais je suis arrivé à la conclusion que le plaisir des uns, le plaisir des gens haut placés, le plaisir des brillants, se fait aux dépens d’une répression véritable vis-à-vis du scientifique moyen.

Un autre aspect de ce problème qui dépasse les limites de la communauté scientifique, de l’ensemble des scientifiques, c’est le fait que ces hautes voltiges de la pensée humaine se font aux dépens de l’ensemble de la population qui est dépossédée de tout savoir. En ce sens que, dans l’idéologie dominante de notre société, le seul savoir véritable est le savoir scientifique, la connaissance scientifique, qui est l’apanage sur la planète de quelques millions de personnes, peut-être une personne sur mille. Tous les autres sont censés « ne pas connaître » et, en fait, quand on parle avec eux, ils ont bien l’impression de « ne pas connaître ». Ceux qui connaissent sont ceux qui sont là-haut, dans les hautes sciences : les mathématiciens, les scientifiques, les très calés, etc.


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#26 22-02-2018 12:39:37

Ichiro
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

On s'éloigne un peu du sujet mais il y a tant à connaitre d'André Gorz à Hans Jonaz ,
mes chers américains :

http://agora.qc.ca/dossiers/John_Muir

http://www.buvettedesalpages.be/2010/01 … bles-.html

http://biosphere.blog.lemonde.fr/2016/0 … o-leopold/

http://www.laviedesidees.fr/Les-deux-vi … llich.html

Dernière modification par Ichiro (22-02-2018 12:40:09)

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#27 15-05-2019 23:08:00

NicoMécano
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Ce post m'a bien fait rire, j'ai découvert à 20 ans que j'avais une dyslexie chiffrée, ce qu'aucun prof de maths n'avait découvert, j'étais bon en algèbre et nul en arithmétique, mais cela n'a jamais déclenché de questionnement.
Quoiqu'il en soit, si les maths me servent chaque jour, ma préférence va vers les autres matières qui m'ont été enseignées.

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#28 16-05-2019 08:05:01

Havoc
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Cela dépend de ton âge mais il y a une trentaine d'années, on ne savait presque rien sur la dyscalculie et les troubles associés. Les profs auraient pu constater un problème cognitif mais très peu d'entre eux, voire aucun, n'avaient les connaissances pour le nommer et encore moins t'adresser vers une personne capable de mener une ré-éducation.


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#29 16-05-2019 10:03:02

NicoMécano
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

J'ai 54 ans, c'est à l'armée que l'on as pris conscience de mon problème, je ne jette pas la pierre au système éducatif de l'époque, mais je me rend compte pour avoir fais des cours et de la formation que certains profs étaient vraiment là par hasard, j'ai des amis enseignants, je vois les progrès qui ont été fait au niveau de la gestion des élèves, Tu fais un beau métier que malheureusement peu de personnes considèrent à sa juste valeur, tu est là pour instruire, et contrairement à ce que certains pensent pas pour éduquer, ce qui est le rôle normal des parents.
Si certains éduquaient leurs enfants, vous n'auriez pas autant de problèmes de discipline.

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#30 16-05-2019 13:27:26

micky7
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

bon en algèbre et nul en arithmétique

ça ne serait pas de la dyslexie toute simple ? vu que la différence entre les 2 consiste à mettre des mots en arithmétique alors qu'en algèbre on ne pose que des variables et des équations

pour passer le Certificat d'études j'ai un peu souffert car vu que c'était de l'arithmétique il fallait rédiger des explications, c'était plus lourd que l'algèbre que j'utilisais en 3[sup]ème[/sup] mais la logique restant la même c'était aussi facile


je pense donc je me vaccine (micky7 2022)

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#31 16-05-2019 22:27:16

Havoc
MZécano
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

NicoMécano a écrit :

Tu fais un beau métier que malheureusement peu de personnes considèrent à sa juste valeur, tu est là pour instruire, et contrairement à ce que certains pensent pas pour éduquer, ce qui est le rôle normal des parents.
Si certains éduquaient leurs enfants, vous n'auriez pas autant de problèmes de discipline.

Cette année, j'ai des problèmes de fatigue (surtout en fin de journée) qui ne sont pas dus à la discipline (mes gamins sont adorables) mais au fait que je me suis mis trop de boulot sur le dos: un autiste, une dysphasique TDA, une élève d'ITEP en intégration, deux niveaux, une enfant du voyage deux fillettes qui n'ont pas réussi à apprendre à lire en CP et 27 élèves en tout. Je suis en surcharge mentale, j'ai du mal à gérer.


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#32 16-05-2019 23:19:03

micky7
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

l'autiste ne bénéficie pas d'une aide ?

mon petit fils est légèrement atteint (ne parlait pratiquement pas) mais il a une aide en classe maternelle, ça va se terminer car maintenant il s'exprime enfin par la parole


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#33 17-05-2019 19:41:29

Havoc
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Re : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué

Si, si ! J'ai une AVS mutualisée. Mutualisée, ça signifie qu'elle s'occupe des deux enfants, mais surtout qu'elle s'occupe de deux autres enfants qui ne sont pas dans ma classe. Donc, je l'ai au final, trois matinées par semaine.

Mais ça va avec lui, il est devenu autonome depuis deux ans que je l'ai avec moi. Il a même eu son premier 10/10 en dictée de l'année, ce matin ! Il est marrant, toujours en train de te raconter des trucs invraisemblables. Je me rappelle que tout à l'heure, en descendant pour aller chausser les rollers (on allait disputer un match de hockey ensemble), il me racontait des trucs sur des combats de dinosaures. Je lui ai demandé s'il ne confondait pas avec des boxeurs, et comme il continuait, je lui ai demandé s'ils avaient des gants noirs en cuir. Il a enchainé en disant que oui, ils avaient de gros gants de boxe et on se marrait tous les deux.


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